INDEX
Le Voleur
Est-ce que c’était moi ? La fenêtre s’allonge sur la campagne vierge. La chambre semble nue. En vérité, tout y est révélé que le regard efface. Questions et plaisirs passent entre les formes bien éclairées mais indiscernables. Au fond, la porte n’existe plus. Juste une embrasure, ouverte au paysage d’herbes blondes.
Dehors, les hêtres vibrent, comme la peau s’il pleure sans bruit les yeux ouverts. C’est pas toujours à cause de la tristesse. La lumière d’avril brûle leurs frondaisons pastellisées, dont les reflets se brisent sur les murs de la chambre ; diffractée aveuglément, elle sème des brins d’inconscience, des battements de cils, de coeur, en tous sens.
Ici s’égare une présence secrète. Les indices d’une fouille sombre par temps clair. Sans griffes, l’impertinence à la main. On n’y voit que du feu, des flammes si hautes qu’on y brûle sans les voir irradient la pièce confondue dans le reflet d’un champ.
Il est passé, présent, sans doute, sa trace est trouée de secrets. J’entends cette chanson qui ne s’écoute pas, composée d’interférences magnifiques, et rien n’est plus tangible que ça.
La pièce vibre d’une seule couleur et s’ouvre dans ma tête sur un autre morceau : un esprit vit caché de toute évidence, entre ses propres mains, le vent se lève pour son appel d’air qui engage un vol. Viens par le vent, sur les toits, viens sur ta peur, ta peau. Le vol du voleur. Les mains s’ouvrent.
Quand il sort, il sourit. Torse à nu, il donne l'air de se rendre, jouant une faille à prendre. Tout en lui est clair et insensé, tout est mensonge et vérité, tout est badin et cruel.
Son air me dit quelque chose : ma raison d’être, c’est de te traverser. Fondre en toi mon sourire, fondre en ta peur, ta peau. Son vol est immanent, sans faute, le vol des instants.
(Hors champ.) Plus loin, on peut les y voir, batifoler sur le flanc d’une butte : un garçon et une fille, de l’autre côté du miroir, assis dans le paysage. Leurs dos sont badigeonnés de blanc dans le bain de soleil. Avec mes ongles qui sont les leurs, je caresse leurs dos, je passe une couleur, sur leurs corps dont j’ignore s’ils sont conscients des leurres, au rez du champ.